Projeté en 2023 lors de la semaine de la critique à Cannes, Sleep revient en 2024 en force en décrochant le Grand Prix au Festival du film fantastique Gérardmer. Actuellement en salles, nous avons pu rencontrer son jeune réalisateur, très prometteur, Jason Yu, qui arrive à mélanger habillement les genres, grande force du cinéma coréen. Sleep est le premier long-métrage de Jason Yu.
L’histoire : La vie d’un jeune couple est bouleversée quand le mari devient somnambule et se transforme en quelqu’un d’autre la nuit tombée. Sa femme, submergée par la peur qu’il fasse du mal à leur nouveau-né, ne trouve alors plus le sommeil….
ENTRETIEN avec JASON YU
Réalisateur et scénariste du film « SLEEP »
« Sleep est une histoire d’amour déguisée en film d’horreur »
K-Society : Parlez nous de ce qui vous a poussé vers le cinéma et la réalisation. Á quel moment avez-vous eu le déclic ?
Jason Yu : C’est amusant car durant ma jeunesse, je n’étais pas vraiment intéressé par le cinéma. J’ai du voir quelques gros blockbusters avec ma famille et mes amis, mais sans plus.
Pendant mes années d’étude à l’université, je me suis retrouvé par coïncidence dans une classe d’écriture dans laquelle nous écrivions des histoires courtes. Nous avions un auteur de nouvelles américain pour professeur, qui nous a présenté de nombreux films qui m’ont initié à ce plaisir de voir des films. C’est à ce moment là que j’ai aimé le cinéma et que c’est devenu une passion pour moi.
Lors de mon service militaire, ma passion auprès de mes camarades m’a fait devenir comme un professeur de cinéma, un movie-mania. Ils m’ont dit et encouragé à devenir réalisateur à la fin de mon service militaire. A ce moment là, je ne savais pas vraiment ce qu’était un réalisateur, j’étais vraiment très jeune, mais ils m’ont donné confiance et j’ai donc dit « Ok, je dois devenir réalisateur ». A la sortie de mon service militaire, j’ai rejoint un club de cinéma étudiant. Nous réalisions alors des court-métrages, et c’est là que je n’ai plus seulement aimé regarder des films mais aussi faire des films. Mon premier travail a été assistant réalisateur pour le film Okja par le réalisateur Bong Joon-Ho.
C’est donc comme ça que j’ai voulu devenir réalisateur.
K-Society : Bong Joon-Ho a dit de votre film « Le film le plus unique et intelligent que j’ai vu ces dix dernières années », Que vous a apporté cette expérience en tant qu’assistant réalisateur ?
Jason Yu : Quand j’ai entendu cette phrase, car il ne me l’a pas dit directement, ce fût vraiment un honneur et je suis très reconnaissant qu’il parle ainsi de mon film. Le réalisateur Bong Joon-Ho est mon modèle, il a réalisé mon film préféré.
Juste le fait de savoir que cette personne a regardé mon film, est un grand honneur, mais l’entendre en plus en faire des compliments, cela m’a beaucoup touché.
K-Society : Quel est votre film favori de Bong Joon-Ho ? Mais aussi de tous les films que vous avez pu voir ?
Jason Yu : Mon film préféré de Bong Joon-Ho, est « Memories of Murder ». C’est un film qui m’a fait réfléchir à ce qu’est un réalisateur. Avant j’étais juste spectateur de film, que je regardais pour me divertir. Mais en voyant « Memories of Murder », j’ai pris conscience qu’il y avait quelqu’un derrière ce film, quelqu’un qui avait réalisé ce film, quelqu’un de brillant. J’ai ainsi pris conscience du métier de réalisateur.
C’est en voyant « Memories of Murder » que j’ai pris conscience qu’il y avait quelqu’un derrière ce film, quelqu’un de brillant. J’ai ainsi pris conscience du métier de réalisateur.
Et sinon j’aime beaucoup les comédies romantiques, par exemple « Eternal Sunshine », qui n’est pas vraiment une comédie – rires. Il y a aussi « Silver Lining Playbook » avec Bradley Cooper et Jennifer Lawrence. Il n’est pas très connu mais j’ai beaucoup aimé.
K-Society : Vous aimez beaucoup les histoires d’amours apparemment ?!
Jason Yu : Dans une précédente interview, j’ai listé les comédies romantiques que j’aimais : Coup de foudre à Nothing Hill, Love Actually … – rires –
K-Society : Comment décririez-vous Sleep ? A quel public s’adresse-t-il ? Film de genre, comédie, histoire d’amour ?
Jason Yu : C’est avant tout un film d’horreur, c’était mon intention de départ en écrivant le scénario. Mais je pense que ma vie personnelle et mon envie de mélanger les genres ont donné une sorte de genre hybride étrange que même l’équipe marketing a eu du mal à définir exactement. Donc je pense que c’est un film d’horreur drôle.
K-Society : Comment êtes-vous arrivé à garder ce rythme et cette balance dans les genres. D’ailleurs pourquoi cette décomposition en chapitre ?
Jason Yu : Lorsque j’écrivais des courts-métrages avant le film Sleep, je voulais que tout soit « économique ». Faire le plus avec le moins possible pour me challenger.
J’ai donc chercher à montrer plusieurs occasions de changement dans le couple d’une manière drastique. Et je pense que c’est amusant, car on peut voir des sauts dans le temps entre chaque chapitre, des trous dans la time-line avec des événements importants mais qu’on ne vous dit pas. Le public doit alors participer activement et deviner ces événements et cela même après la fin du film. L’expérience du film continue car ils vont devoir interpréter ce qui s’est passé et particulièrement pour le final.
Le public doit alors participer activement et deviner ces événements.
K-Society : D’ailleurs il y a beaucoup d’interprétations de votre film. Comment voyez-vous tous ces regards différents concernant votre film ?
Jason Yu : J’adore. J’adore vraiment. Ce n’était pas mon intention de tromper le public. Quand le film est sortie en Corée du Sud, nous avons remarqué un phénomène intéressant : 50% du public avait une interprétation et les autres avaient une interprétation différente. Ils étaient tellement certain de leur interprétation, mais en en parlant avec leur famille et amis, ils ont réalisé qu’il y avait d’autres interprétations possibles. Ce qui donnait lieu à des discussions vivantes même après la fin du film. Et en tant que réalisateur, j’adore vraiment ça.
Je pense que cela vient de comment les deux personnages principaux interprètent les événements qui leur arrivent. Nous suivons les émotions et la psychologie de chaque personnage qui s’opposent. Ce qui fait que le public doit choisir l’interprétation qu’il pense la plus vraie. Même les deux acteurs, Lee Sun-Kyun et Jung Yu-Mi, après le tournage et la diffusion du film ne savaient pas vraiment si ils – leurs personnages – avaient raison ou tord. Un moment de réflexion et d’interprétation que je voulais que l’audience partage sur mon film.
K-Society : Et c’est quoi alors la bonne interprétation ?
Jason Yu : Pour cette question, j’ai une petite histoire justement. Quand j’ai montré le film au réalisateur Bong Joon-Ho, une fois celui-ci terminé, je voulais avoir son opinion, et quelques conseils pour l’améliorer. Il m’a donné de nombreux petits conseils, puis il m’a dit « Ok, oubli tout ce que je t’ai dis jusqu’à maintenant, car je vais te dire quelques choses de vraiment important ». Il m’a alors dis « Je sais que tu as ta propre interprétation du film, mais tu ne dois surtout pas la dire, car le public aura ainsi des discussions animées à ce sujet. Mais si tu révèles ton interprétation, tu vas fermer une porte à ton public. »
Je sais que tu as ta propre interprétation du film, mais tu ne dois surtout pas la dire, […] sinon tu vas fermer une porte à ton public.
J’ai retenu et bien appliqué ce conseil et je l’en remercie car le simple fait que les personnes parlent, échangent sur la fin du film, prolongent la vie du film et que celà donne une chose en plus aux fans. C’est vraiment très spécial.
K-Society : Revenons sur le casting. Comment s’est passé la sélection pour les 2 rôles principaux ? Les aviez-vous déjà en tête lors de l’écriture du scénario ?
Jason Yu : Je ne pensais pas spécialement à eux en écrivant le scénario. Quand j’ai fini d’écrire le film, nous avons parlé du casting avec le producteur. Il m’a alors demandé : « Quel serait ton casting de rêve ? Nous ne sommes pas certains de les avoir mais nous allons essayer de trouver des acteurs similaires que nous pourront avoir de manière plus réaliste. » J’ai donc répondu « Ok, si j’avais un rêve, un rêve impossible, je voudrais avoir Lee Sun-Kyun et Jung Yu-Mi. »
Il m’a alors répondu que c’étaient de grands acteurs qui appréciaient les histoires intéressantes, envoyons leur le scénario et laissons les choisir. Nous leur avons envoyé sans grand espoir, mais ils ont répondu rapidement qu’ils avaient aimé l’histoire et qu’ils voulaient me rencontrer. Lorsque nous nous sommes rencontrés, je leur ai demandé de nous rejoindre sur ce film et ils ont répondu oui. C’était vraiment un miracle.
K-Society : Votre film favori avec Lee Sun-Kyun et Jung Yu-Mi ?
Jason Yu : Mon film favori avec Lee Sung-Kyun est « A Hard Day » (2014). C’est un thriller réaliste dont il est le personnage principal, considéré comme un des meilleurs thrillers par les fans du genre. Et mon film favori avec Jung Yu-Mi, il y en a beaucoup, mais si je devais en choisir un, je dirais « Family Ties » (2006), c’est l’histoire d’une famille dont fait partie Jung Yu-Mi, un film réaliste et chaleureux, et son jeu est vraiment magnifique, je vous le recommande fortement.
K-Society : Avez-vous un souvenir particulier du tournage de ce film ?
Jason Yu : La première fois que j’ai rencontré Jung Yu-Mi, l’actrice principale, avant le tournage et la pré-production, l’équipe m’a dit qu’elle avait aimé le scénario et voulait rencontrer le réalisateur. Je me suis alors dit que c’était mon unique chance de la persuader de rejoindre mon film. Je me souviens lui avoir dit « Sleep est une histoire d’amour déguisée en film d’horreur ». Elle s’en est souvenu.
Une fois le tournage terminée, et qu’elle donnait des interviews pour la promotion, je ne le savais pas alors, elle a dit qu’elle avait accepté le projet grâce à cette fameuse phrase. Elle a vraiment été intriguée par cette phrase. Et c’est devenu quelque chose de vraiment mémorable pour moi.
K-Society : Qu’est-ce que c’est de travailler avec ses acteurs favoris ?
Jason Yu : C’est comme un rêve devenu réalité. Juste créer un film, le terminer, c’est très difficile. Mais pouvoir le faire avec les acteurs avec lesquelles tu as grandi, des légendes pour toi, les meilleurs acteurs du milieu en Corée, c’est vraiment comme un rêve. Je ne pensais pas que « Sleep » aurait pu être aussi réussi qu’il l’est maintenant.
K-Society : Que retenez-vous de cette expérience, de votre premier film et de l’accueil du publique et de la critique ?
Jason Yu : J’ai beaucoup aimé cette expérience mais je pense que si je devais retenir une chose de tout cela, c’est d’être incroyablement reconnaissant de votre chance et de votre vie. On peut penser que cela est naturel ou normal, mais si on retourne 2 ans en arrière, cela semblait presque impossible. Je suis en train de vivre un rêve, et je dois être heureux et reconnaissant pour chaque expérience que j’ai grâce à « Sleep ».
Et si je reviens d’ailleurs sur ma réponse précédente à votre question quand j’ai dis que « Je ne pensais pas que « Sleep » aurait pu être aussi réussi qu’il l’est maintenant », je voudrais le changer par « Sleep n’aurait pas pu être possible sans ces acteurs. »
Sleep n’aurait pas pu être possible sans ces acteurs.
K-Society : Un message pour nos lecteurs ?
Jason Yu : Bonjour aux lecteurs de K-Society Magazine. Merci beaucoup de suivre le magazine, pour votre amour pour les K-Contents comme le cinéma, les séries et la musique. Je ferais de mon mieux pour y contribuer. J’espère que vous regarderez et apprécierez mon film « Sleep » – Merci beaucoup (en français).
Merci à Jason Yu et à Zvi David Fajol de Mensch Agency