Le street dancer Jeon Young aka Undead est un garçon au sourire communicatif mais lorsqu’on le regarde se contorsionner dans des postures qui défient l’entendement, difficile de ne pas faire la grimace. C’est grâce à ce talent particulier qu’Undead est devenu en quelques années le chouchou des réalisateurs de films d’épouvante. Kingdom, Dernier train pour Busan ou encore Peninsula, c’est lui qui se cache derrière ces zombies made in Korea. Le bone breaker intervient en effet régulièrement sur des films en tant que “movement director”, c’est-à-dire qu’il chorégraphie les scènes qui requièrent son expertise et coache les comédiens sur leur gestuelle.
« Beaucoup de gens nous appellent la Zombie Family »
K-Society : D’où vient votre nom de scène “Undead” ?
Undead : J’aime les créatures issues des jeux vidéo et de l’animation et j’ai toujours envisagé mon style comme si j’étais une créature ou un monstre. Les zombies, les “undeads”, tu as beau leur balancer des coups de poing ou des coups de pied, ils se relèvent toujours de façon flippante. Beaucoup de gens trouvaient que mon style de danse ressemblait à un truc de mort-vivant. Ce que je trouve attirant dans le flex et le bone breaking, c’est ce côté “creepy”. On va dire de tel street dancer qu’il est dynamique ou fun, d’un autre qu’il est joyeux s’il fait du locking (“blocages” de mouvements qui créent une rupture dans l’enchaînement de pas) par exemple ou cool s’il fait du popping (“contraction/décontraction’’ des muscles sur le tempo). Mais quand je me mets à faire du bone breaking, les gens sont très surpris et ils se mettent à hurler ! J’adore ça, je suis fou (rires).
« Ce que je trouve attirant dans le flex et le bone breaking c’est ce côté “creepy. »
K-Society : Vous vous destiniez à devenir architecte urbaniste. Comment vous êtes-vous retrouvé street danseur et, qui plus est, bone breaker ?
Undead : En Corée, beaucoup de danseurs commencent à danser à l’adolescence. Moi, j’ai débuté vers 22 ans. Pendant mon service militaire, j’ai rencontré un danseur professionnel qui m’a appris des pas sans arrêt. Il m’encourageait : « Tu es très flexible ! Tu as un très bon sens du rythme ». Quand je suis rentré chez moi après mon service, je me suis dit : « Ma vie, ce n’est pas les études acharnées. Je veux danser ». Donc je suis devenu Bboy mais je voulais apporter quelque chose de différent. Comme je suis très flexible, j’ai travaillé certains mouvements différemment. Et puis, j’ai fait des recherches sur internet et j’ai découvert un groupe américain de flexing. Après ça, je me suis beaucoup entraîné en regardant des vidéos sur Youtube.
K-Society : Et tous ces efforts ont fini par vous mener au cinéma. Pouvez-vous nous parler de vos débuts ?
Undead : Il y a 5 ans, une chorégraphe de la vieille école m’a repéré et on m’a contacté pour travailler sur The wailing de Na Hongjin. C’est comme ça que ça a démarré. Pour les films qui ont suivi, on m’a engagé comme “movement director”.
K-Society : Vous avez collaboré entre autres sur After My Death, The Closet, Kingdom saison 1 et 2 et sur le gros succès Dernier train pour Busan. Comment s’est passé ce tournage ?
Undead : J’ai entraîné à peu près 80 personnes pendant 2 mois. J’étais très content de bosser sur Dernier train pour Busan parce que Yeon Sang-Ho est un réalisateur d’animation et j’aime l’animation, donc on a très vite accroché et on est très vite devenu des amis. Il disait : « Cette scène a besoin de tel genre de zombies » et tout de suite je bougeais en lui demandant « Comme ça ? » et il s’exclamait « Voilà ! Exactement ! » Donc, on a travaillé de façon très fluide, dans une bonne dynamique.
K-Society : Comment avez-vous travaillé sur cette horde de zombies ?
Undead : Il y avait plusieurs styles de zombies : l’armée, l’équipe de baseball, le crew du train. Les soldats zombies sont très puissants donc ils adoptent des positions basses, ils courent vite. Les zombies de l’équipage restent gracieux et les joueurs de baseball sont imprévisibles parce que leur processus de transformation en zombie est plus effrayant que celui des autres groupes. Ces différences permettent au public de les identifier facilement. Notre meilleure scène est celle où un zombie militaire fait une chute et se relève avec le bras cassé et se remet à courir (dans la gare de Daejeon NDRL). À l’étranger, des journalistes et des réalisateurs ont dit que c’était très impressionnant donc je suis fier de ça.
K-Society : Vous avez fait le même genre de travail sur la série Kingdom ?
Undead : Le travail sur les zombies de Kingdom était différent. Ces zombies sont comme des fantômes. Ils sont plus détaillés et plus complexes. Kingdom crée plutôt un climat, grâce à l’éclairage, ce genre de choses. Dans Dernier train pour Busan, c’était un style un peu “crazy dogs”, les zombies étaient plus puissants. Les gens ont trouvé les zombies de Dernier train pour Busan plus effrayants.
K-Society : Vous êtes devenu la référence du « zombie’s style » grâce au bone breaking. Ce style est-il très répandu en Corée du Sud ?
Undead : Pas du tout. Ici, il y a énormément de danseurs old school mais très peu de danseurs newstyle. Il y a 4 ans, je pensais être le seul bone breaker du pays, mais un jour, j’ai vu sur Facebook un autre danseur qui faisait du bone breaking. Lui aussi pensait qu’il était tout seul à faire ça ! On a discuté et on a décidé de créer un groupe. Ensuite un 3ème danseur nous a trouvés et ainsi de suite. C’est comme ça que tous les bone breakers disséminés à travers la Corée se sont mis ensemble pour former un crew qui se nomme « Centipedz », comme le centipède. Centipedz est l’unique groupe de bone breaking de Corée du Sud
« Je me suis trouvé une famille grâce au cinéma. »
K-Society : Et qu’est-ce que ça fait d’être les seuls bone breakers de Corée ?
Undead : On se sent honorés et fiers car on a fait des choses folles, comme Dernier train pour Busan ou encore la série Kingdom. On a créé des chorégraphies qui ont pu être vues dans le monde entier. Notre groupe est récent mais on a déjà fait énormément de choses. On travaille aussi avec des chanteurs coréens très connus. On a par exemple dansé pour Jay Park et tourné dans son clip “Ain’t No Party Like an AOMG Party”. Beaucoup de fans ont vu cette vidéo et se sont dit : « Mais qu’est ce que c’est que ça ? Ça fait flipper ! J’ai mal rien qu’à les regarder ».
K-Society : Comment votre groupe est-il perçu par le public ?
Undead : Les gens aiment bien notre groupe parce qu’on mixe le bone breaking avec d’autres styles de danse à la mode donc on propose toujours de nouvelles choses. Et ceux qui pensent que le bone breaking c’est seulement effrayant, changent d’avis quand ils nous rencontrent. En revanche, il y a certains danseurs qui nous jalousent. Ils disent que ce qu’on fait n’est pas de la danse, que c’est juste un enchaînement de mouvements ou que c’est du cirque. Il y a trois ans, ce genre de remarques me mettait en colère mais plus maintenant. Je gagne ma vie grâce au flexing donc je m’en fiche.
K-Society : Qu’est-ce que vous retenez de toutes ces expériences ?
Undead : En travaillant sur Train pour Busan, Peninsula ainsi que sur Kingdom saison 1 et 2, j’ai rencontré plein d’acteurs qui jouaient les zombies. On a accompli ça tous ensemble. Grâce à ces expériences on est devenu une famille. Il n’y a pas d’un côté un “movement director” et de l’autre des acteurs. Nous sommes frères et nous formons une famille de zombies. Vraiment ! Beaucoup de gens nous appellent comme ça : la zombie family ! Je me suis trouvé une famille grâce au cinéma.
FILMO/DRAMOGRAPHIE
Hellbound – Yeon Sang-ho (Nov 2021)
Peninsula – Yeon Sang-ho (Août 2020)
The Cursed – Yeon Sang-ho (2020)
Kingdom – Kim Seong-hoon (2019/2020)
The Closet – Kwang-bin Kim (2020)
After my death – Kim Ui-seok (2018)
Psychokinesis – Yeon Sang-ho (2018)
Dernier train pour Busan – Yeon Sang-ho (2016)
Horror stories 3 – Min Kyu-dong/Baek Seung-bin/Kim
Seon/Kim Gok ( 2016)
The Wailing – Na Hong-jin (2016)
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Extrait du dossier « Zombie World » de K-Society #4 en 2020 – Interview réalisée par Sénami Juraver