Léviathan Deep Water, le webtoon de science-fiction multi-récompénsé est disponible chez les éditions Kmics depuis quelques semaines. Alors que le numéro 2 est attendu pour le 28 avril, nous avons pu, grâce aux éditions Kmics, interviewer les auteurs. Une interview Lee Gyungtak (Scénario) et Noh Miyoung (Dessins) ont accueilli avec enthousiasme.
Mais avant un petit rappel de l’histoire : Le niveau de la mer s’est élevé pour recouvrir les continents. Sur une planète inhabitable où il n’y a plus de terre ferme, la famille du jeune Bota vit sur un petit bateau et erre dans le vaste océan. Mais d’étranges monstres habitent ces eaux hostiles… Pour survivre, il n’y a pas d’autre choix que de s’aventurer en eaux profondes, au risque de devenir la proie des léviathans.
Bota et sa famille parviendront-ils un jour à se mettre en sécurité et à échapper à cet enfer aquatique ?
INTERVIEW
Lee Gyungtak et Noh Miyoung
« « Léviathan Deep Water » est l’histoire d’humains qui survivent dans un environnement extrême, mais aussi l’histoire de la réalité dans laquelle nous vivons. »
K-Society : Pourquoi ce choix de thématique ? Comment est née l’histoire ? Pourquoi ces monstres marins – les Léviathans ?
Noh Miyoung : Un jour, je préparais une œuvre apocalyptique dans mon carnet à idées, et je suis tombée sur d’anciens dessins de tenues de plongée et sous-marins dieselpunk 1. « Ce serait intéressant de mêler apocalypse et monstres marins » – l’histoire est simplement née de cette pensée. « Que se passerait-il s’il pleuvait sur la terre pendant 70 ans ? »
Cette œuvre est l’histoire d’une poignée d’humains qui survivent sur une Terre inondée. La technologie a disparu, et à cause des ressources limitées, l’environnement est cruel. L’humanité doit maintenant se battre avec des monstres marins qu’elle appelle Léviathans. Les Léviathans sont une catastrophe naturelle qui menace la survie des humains. Cette catastrophe est inévitable, mais nous pouvons changer notre attitude face à elle.
La réponse se trouve dans notre réalité actuelle. Quelqu’un peut obtenir du pouvoir par la peur, et d’autres résistent face à la peur. Quelqu’un peut gagner de l’argent par la peur, mais d’autres se sacrifient pour les faibles. Quelqu’un peut trahir autrui par pure égoïsme, mais quelqu’un peut aussi faire preuve d’un amour sans limites. « Léviathan Deep Water » est l’histoire d’humains qui survivent dans un environnement extrême, mais aussi l’histoire de la réalité dans laquelle nous vivons.
[1] Le dieselpunk est un rétrofuturisme, dérivé du steampunk. Le terme a été inventé en 2001 par Lewis Pollack pour caractériser le genre de son jeu de rôle, Children of the Sun.
K-Society : Pourriez-vous présenter les personnages ? Et nous en dire un peu plus sur les « harponneurs » ?
Noh Miyoung : Nous suivons Bota, qui a appris l’amour et le sacrifice de la mort de son père ; Rita, qui a grandi en recevant et répandant de l’amour ; Kana, une jeune femme juste et remplie de compassion ; Brune, qui rêve d’être numéro un. Et d’autres personnages que vous rencontrerez bientôt…
Les harponneurs sont inspirés des chasseurs de baleines dans Moby Dick . Ils sont les « gardiens de l’humanité » qui risquent leur vie face aux Léviathans pour protéger les hommes. En tant qu’harponneurs, ils reçoivent bien entendu la citoyenneté, ainsi que gloire et richesse. Ils sont donc à la fois l’instrument d’une montée sociale, et le rêve des enfants réfugiés.
Mais il existe des harponneurs animés par la cupidité, cependant il est difficile d’exercer ce métier compliqué sans une réelle vocation au moins égale à la volonté de risquer sa vie contre les Léviathans. J’espère que vous êtes impatients de suivre les aventures de ces guerriers respectés et aimés de beaucoup.
K-Society : Les lecteurs ont pu découvrir le tome 1 qui regroupe une introduction à l’histoire ? Que nous réserve la suite (sans trop nous spoiler ;)) ?
Noh Miyoung : En commençant par le cercle familial, Bota va rencontrer de nombreux groupes organisés qui le mèneront d’Union Busan à Port Oasis/Union Hong-kong, puis le port de commerce… Au cours de son voyage, en dépit de la terreur qu’inspirent les prédateurs et Léviathans, le lecteur pourra voir l’espoir grandir.
K-Society : Graphiquement, comment avez-vous construit les personnages et cet univers post-apocalyptique marins ?
Noh Miyoung : Pour moi, l’élément important était que les lecteurs puissent se dire : « C’est donc ça de vivre 100 ans après que la terre ait été submergée ». Puisque les villes – appelées « ruines » – sont submergées et que les hommes vivent en récupérant les objets utiles sous l’eau, j’ai prêté une attention particulière aux pièces détachées d’avion et de voitures qui ont servi à la construction des navires, et aux traces d’usure à force d’avoir été réparés par les gens au fil du temps.
Bota, Rita et Kana… il était aussi important de conférer à chacun une personnalité dépendant des endroits qu’ils découvrent. J’ai pensé qu’il serait amusant de découvrir des groupes organisés variés et uniques.
L’arc narratif des personnages a été minutieusement planifié, et les armes et les costumes de chacun ont été imaginés pour correspondre à leur histoire. Grâce à cela, il a été aisé de dépeindre les personnages et les différentes scènes d’action.
Lee Gyungtak : Personnellement, j’ai voulu inclure une incroyable scène de combat en sous-marin, mais NOH Miyoung qui s’occupe des dessins m’a dit « Tu veux me tuer ! », donc c’est dommage mais j’ai abandonné l’idée.
K-Society : Vous avez remporté de nombreux prix. Qu’est-ce qui fait la force de votre titre ?
Noh Miyoung : Sans chercher à prévoir les réactions de ça et là, il s’agit tout d’abord d’un genre qui nous plaît à tous les deux, donc c’est une histoire que nous souhaitions vraiment raconter. Nous n’avons pas voulu abandonner l’utilisation du gore, donc nous avons volontairement publié l’œuvre sur une plateforme adulte.
Je ne pense pas que « Léviathan Deep Water » soit une œuvre excitante et commode où le bien l’emporte de manière écrasante sur le mal. Pourtant, nous avons eu l’opportunité de raconter l’histoire comme nous l’entendions, et cela suffit à nous combler. J’ai tendance à penser que c’est parce que nous avons réussi à transmettre notre sincérité et nos goûts personnels aux lecteurs que l’œuvre a été aussi bien reçue et a gagné des prix.
K-Society : Qu’avez-vous ressenti quand vous avez eu entre vos mains pour la première fois la version papier ? Et quand vous avez appris que le titre serait traduit et édité en France ?
Noh Miyoung : Quand « Léviathan » a été publié pour la première fois en Corée, je suis allée dans une librairie avec mes enfants pour leur montrer. « Maman est une personne qui écrit des livres », voilà ce que je voulais leur dire.
En Corée, le marché du webtoon ne cesse de grandir, mais celui du manhwa papier n’est pas aussi fructueux. Des centaines d’œuvres sont publiées sur internet, mais une poignée seulement sont publiés sous forme de livre. Dans le passé, quand une œuvre était publiée en ligne, il était évident que la publication papier suivait. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est pour ça que je voulais montrer à mes enfants « Maman est toujours une personne qui écrit des livres ».
La France est le centre du marché européen de l’édition. J’étais incroyablement heureuse, à la fin de l’année, d’entendre que « Léviathan Deep Water » allait être publié en France ; tout en sachant que cela représentait une opportunité d’être publié dans plus de langues. Je suis également envieuse du marché de l’édition en France. J’étais particulièrement excitée et curieuse de voir si les lecteurs français allaient apprécier le travail d’imagination d’écrivains à l’autre bout du monde.
K-Society : L’avantage de la publication en ligne, reste cette interaction avec les lecteurs. Quels sont pour vous les commentaires qui vous ont marqué ?
Lee Gyungtak : « Kana, tue-moi !! »
Noh Miyoung : « Je pars à l’armée la semaine prochaine et je dois rester sur cette fin ?! » [fin de chapitre, pas de la série ; ndlt]
K-Society : Auriez-vous un autre de votre titre que vous aimeriez le plus voir arriver en France en version papier ?
Lee Gyungtak : Je suis en train de travailler sur mon prochain projet, j’aimerais que ce projet aussi soit bien écrit et publié en France.
Noh Miyoung : L’œuvre avec laquelle j’ai débuté, « The Killing Tower ». En réalité, les deux premiers tomes sont parus en France mais la publication a été arrêtée [sous le titre « Salitai » aux éditions Soleil, collection « Gochawon » ; ndlt]. C’est un projet imparfait, néanmoins j’aimerais qu’il soit lu une fois en tant que souvenir d’une jeune auteure dans sa vingtaine qui vivait férocement.
K-Society : Quelles sont d’après-vous les grandes différences entre l’expérience lecteur de la version online et offline ?
Noh Miyoung : Dans le cas de la Corée, je ne pense pas qu’il y ait une distinction entre le lectorat de webtoon et de manhwa papier, mais la manière, le lieu et le temps de consommation sont différents.
Je pense que ceux qui lisent des webtoons le font à la vitesse de la lumière dans le métro ou avant de s’endormir pour apaiser leur ennui. Et si le webtoon leur plaît, ils se dirigent naturellement vers l’achat du format papier. On consomme un webtoon, tandis que le manhwa est davantage acheté par esprit de collection.
K-Society : Que pensez-vous de ce boom des webtoons en France ?
Noh Miyoung : C’est très impressionnant de voir une histoire créée à un bout de la terre aussi appréciée à l’autre bout du monde. Je suis profondément touchée par cet échange de cultures, sans se soucier de la nationalité ou de la race.
K-Society : Et que penseriez-vous d’une adaptation en série animée ? Et pourquoi pas un film ou une série SF ?
Noh Miyoung : C’est bien sûr une joie immense de voir son travail prendre vie sous n’importe quelle forme ! Mais une série ou film… je ne sais pas qui pourrait assumer le coût de production.
K-Society : Avez-vous un projet en cours actuellement ? Pourriez-vous nous en dire plus (si c’est le cas ?)
Noh Miyoung : Nous préparons une œuvre de fantasy basée sur le mythe de Dangun, le mythe fondateur de Corée. Le titre est « Oh ! Dangun ». C’est une œuvre légère et amusante, alors nous aussi prenons beaucoup de plaisir à la concevoir. C’est la première fois que je m’essaie à ce genre, donc c’est à la fois excitant et aussi une manière de me challenger.
L’histoire est décidée, donc je travaille dur sur les dessins. J’espère qu’un jour j’aurai l’occasion de présenter cette œuvre aux lecteurs français.
K-Society : Avez-vous un conseil pour les jeunes auteurs qui souhaitent se lancer dans le webtoon ?
Noh Miyoung : J’espère qu’ils pourront se demander « Quel genre d’œuvre j’aime ? » et trouver la réponse. De manière assez surprenante, assez peu d’entre nous sont réellement conscients de leurs propres préférences. Nous aussi avons cherché une histoire que nous voulions absolument raconter, et nos goûts personnels ont été notre guide – le résultat est « Léviathan Deep Water ».
« Faites de vos idées un manuscrit !
Maintenant. Tout de suite. »
Les nouvelles sont une autre forme intéressante une fois qu’on a trouvé le sujet dont on souhaite parler. J’aimerais dire aux jeunes auteurs : « Faites de vos idées un manuscrit ! Maintenant. Tout de suite. »
K-Society : Un message pour vos lecteurs français ?
Lee Gyungtak : C’est la première fois que mon travail est publié en France, cela me rend très heureux.
« Léviathan Deep Water » dépeint la survie de l’humanité sur une terre submergée. Il y a des monstres appelés Léviathans sous l’eau, et il y a des monstres tout aussi terrifiants au sein de la société. C’est un monde apocalyptique cruel, mais Bota, Rita, Kana et les autres personnages participent à la création d’un monde meilleur – c’est l’histoire que je voulais transmettre. Je vous suis extrêmement reconnaissant d’apprécier notre histoire.
P.S. Vous allez bientôt rencontrer un personnage français du nom de Jacko, je voulais simplement que vous le sachiez…
Un grand merci à Jaehyeon EOM et Laurie GALLI-RAGUENEAU pour la traduction de l’interview et aux auteurs pour cette interview très intéressante.
Alors dépêchez de lire Léviathan Deep Water !
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